L’ECBU est l’analyse la plus demandée au laboratoire de microbiologie médicale.
Il permet de :
L’interprétation de l’ECBU repose sur 5 critères :
Cette interprétation n’est pas toujours aisée, elle exige que la prescription soit accompagnée de certains renseignements et que les modalités de prélèvement, de transport et de conservation de l’urine soient scrupuleusement respectées.
Une fiche de renseignements doit accompagner le prélèvement mentionnant :
L’urine ne doit pas être souillée par la flore commensale de voisinage (digestive et/ou vaginale) qui colonise l’urètre et la région périnéale ni par la flore des mains du patient. Cette contamination est très fréquente, notamment par les sécrétions vaginales chez la femme. Les conditions d’asepsie doivent être rigoureuses et bien expliquées au patient lorsqu’il réalise lui-même le recueil.
Le patient réalise lui-même le prélèvement en respectant les consignes suivantes :
Il faut préciser l’heure du recueil sur le flacon.
Le prélèvement à la volée est réalisable.
Cependant le prélèvement le plus fréquent mais aussi le plus critiqué utilise un collecteur d’urine. Après une désinfection soigneuse du méat urinaire, on place, autour de l’orifice urinaire, une poche plastique stérile adhésive. Dans tous les cas, la poche ne doit pas rester en place plus de 30 minutes. On transvase ensuite les urines dans un pot stérile.
Fig.7 : Collecteur d’urine
Il existe sur la sonde urinaire, une zone dédiée au prélèvement. Après désinfection de cette zone à l’alcool iodé, l’urine est prélevée à l’aide d’une seringue montée d’une aiguille fine (Fig. 8). Il ne faut jamais recueillir les urines dans le sac collecteur car les germes y prolifèrent.
On peut aussi recueillir l’urine à partir d’une sonde neuve lors d’un changement de dispositif pour éliminer toute possibilité de souillure par des bactéries adhérentes à la paroi interne de la sonde.
Fig. 8 : Sondage urinaire
Source cclinparisnord
Exceptionnellement utilisé, ce geste consiste à prélever l’urine, de manière stérile directement dans la vessie au travers de la paroi abdominale. La qualité bactériologique de ce mode de prélèvement est évidemment excellente, mais il présente l’inconvénient pour le malade d’être inconfortable. La ponction sus-pubienne permet :
La bactériurie est un critère majeur pour l’interprétation de l’ECBU. Pour ne pas surestimer la bactériurie, il est donc indispensable d’empêcher la multiplication des germes.
La meilleure des solutions consiste à ensemencer immédiatement les milieux de culture (moins de 2 heures dans le cas d’une conservation à température ambiante).
Comme ce n’est pas toujours possible, de nombreux laboratoires utilisent actuellement des tubes contenant un stabilisateur de la croissance bactérienne (comme l’acide borique). Ils permettent de conserver les urines pendant 48 heures à température ambiante.
Il est possible de conserver les urines à + 4 °C jusqu’à 24 heures mais les leucocytes risquent de s’altérer au-delà de la 12ème heure.
Enfin dans certains services et aussitôt après le prélèvement, le personnel soignant plonge dans l’urine une lame utilisée pour le dénombrement (voir technique de la lame immergée). Le laboratoire reçoit l’urine accompagnée de la lame immergée ensemencée.
Une urine normale est jaune et limpide.
Il est indispensable d’homogénéiser les urines avant de les observer. On note :
Les urines d’apparence limpide sont infectées seulement dans 5 % des cas.
Le diagnostic des infections urinaire demande une cytologie quantitative pour certains éléments comme les leucocytes.
Après avoir longtemps utilisé des dispositifs de dénombrement manuels, les laboratoires s’équipent désormais d’automate de cytologie urinaire.
Une page est dédiée aux dispositifs de dénombrement manuels et une autre aux automates de cytologie urinaire.
Une leucocyturie > 104/mL signe une réaction inflammatoire consécutive à une infection urinaire.
Attention : un patient porteur d’une sonde à demeure montrera quasi constamment une leucocyturie. Ce paramètre n’a donc pas de valeur chez ces patients. C’est également le cas des sujets présentant une vessie neurologique (trouble urinaire dû à un dysfonctionnement ou à une lésion du système nerveux).
Le diagnostic de l’infection urinaire ne peut donc pas se limiter à ce seul paramètre (voir interprétation des résultats)
Une leucocyturie < 104/mL indique qu’il n’y a pas de réaction inflammatoire ce qui permet souvent d’exclure une infection urinaire sauf chez le sujet neutropénique ou s’il s’agit d’une infection débutante.
Une urine normale contient moins de 1 000 hématies/mL
Une hématurie > 104/mL est anormale. Les hématies intactes ont une forte probabilité de provenir de la vessie ou de l’urètre. Les hématies altérées viennent du rein.
L’hématurie s’observe dans les cas suivants :
L’hématurie peut être associée aussi à d’autres affections d’étiologie non infectieuse : lithiase rénale, tumeurs de la vessie.
Voir la page le test d’Addis
Des cellules épithéliales peuvent être retrouvées en petite quantité dans l’urine : elles proviennent du renouvellement normal de l’épithélium urinaire de surface (exfoliation). Suite à une pathologie cette exfoliation peut être accentuée et le type de cellules observé pourrait, en théorie, permettre de déterminer si l’infection urinaire est haute ou basse. En pratique, c’est difficile car les conditions de leur cheminement le long des voies urinaires et le milieu urinaire ne sont pas favorables au maintien des structures cellulaires.
En routine, sur une préparation à l’état frais de l’urine homogénéisée, on se contente de différencier :
Pour chaque type, il faut quantifier les résultats : rares, quelques, assez nombreuses, nombreuses, très nombreuses.
On les appelle aussi cellules urothéliales (Fig.9) ou encore cellules de transition : leur forme change légèrement selon le lieu. Par exemple la cellule typique de la vessie est ronde avec un noyau rond au centre. Mais les cellules urothéliales sont aussi souvent piriformes, parfois ovalaires, avec un noyau lui aussi ovalaire et relativement petit par rapport à la taille de la cellule.
Fig. 9 : Cellules urothéliales
Leur taille varie de 2 à 4 fois la taille d’un leucocyte.
Elles peuvent être nombreuses lors d’infections urinaires basses.
Elles sont rondes, réfringentes et le cytoplasme est légèrement granuleux. Le noyau est rond et en général, au centre de la cellule.
Fig. 10 : Cellules rénales
Leur taille est d’environ 1,5 fois la taille d’un leucocyte.
Elles peuvent être nombreuses lors d’infections urinaires hautes.
Elles ne proviennent pas des voies urinaires mais des organes génitaux externes de la femme : ce sont de grandes cellules à petit noyau.
Fig. 11: Cellules vaginales
De nombreuses cellules vaginales associées à la présence de Lactobacillus (bacilles Gram positif droits) sont le signe d’une contamination vaginale du prélèvement : le prélèvement est alors impropre à l’analyse.
Les cylindres sont des éléments de grande taille épousant la forme d’une partie des tubules rénaux.
Au cours d’une néphrite ou d’une pyélonéphrite, les glomérules défaillants laissent filtrer des protéines (habituellement elles sont absentes de l’urine).
Dans une première étape se forme donc un moule protéique, les protéines étant précipitées lorsque l’acidité et la concentration de l’urine atteignent des valeurs suffisantes. À ce stade apparaissent dans l’urine des cylindres exclusivement protéiques : les cylindres hyalins.
A partir du moule protéique, peuvent se constituer d’autres types de cylindres selon que s’ajoutent à la matière fondamentale diverses cellules présentes dans le tubule rénal :
Remarque : Il existe aussi des cylindres mixtes.
Lorsque les leucocytes ou les cellules épithéliales tubulaires dégénèrent, leur contour devient moins net, le cytoplasme plus granuleux : on les appelle cylindres granuleux.
C’est au niveau du tubule distal et du tube collecteur que l’urine se concentre et s’acidifie suffisamment pour permettre la formation des cylindres. Il est rare qu’un cylindre se forme au niveau du tube proximal (c’est le cas pourtant des cylindres hyalins accompagnant le myélome multiple, et composés principalement de la protéine de Bence Jones).
Selon leur lieu de formation, la forme et les dimensions des cylindres seront variables.
Fig. 12 : Lieux de formation des cylindres
On réalise une évaluation semi-quantitative sur le sédiment urinaire (culot de centrifugation) ou sur l’urine entière.
Les cylindres peuvent être courts ou longs : ils traversent alors presque tout le champ au grossissement X400.
Tableau 7 : Description des cylindres urinaires
Fig.13 : Cylindres urinaires
Bien que les cristaux ne soient pas des cellules, leur recherche est abordée ici car elle se fait en même temps que l’étude cytologique.
Les résultats de la cristallurie varient considérablement en fonction du mode de conservation de l’urine : la réfrigération du prélèvement (mais aussi le pH urinaire) augmentent considérablement la fréquence, le nombre et la taille des cristaux. Le prélèvement idéal est une urine fraîchement émise et conservée à 37°C. A défaut une urine conservée moins de 2 heures à température ambiante (20°C minimum) peut être utilisée.
L’étude qualitative et semi-quantitative des cristaux est effectuée en observant un état frais de l’urine homogénéisée au grossissement X400. Les résultats sont rendus en donnant des indications relatives à leur nombre : rares, quelques, assez nombreux, nombreux, très nombreux pour chaque cristaux identifié.
La recherche de germes à l’examen microscopique se fait simultanément à la détermination de la leucocyturie en cellule de dénombrement. Une estimation de la bactériurie est alors possible mais le résultat, très approximatif, ne permet pas de différencier les bactéries mortes des bactéries vivantes. Comme les levures cultivent lentement sur les milieux habituellement ensemencés, leur observation à l’examen direct invite à ensemencer des milieux adaptés (exemple : gélose Sabouraud ou milieu chromogénique, type ChromID Candida).
Les automates de cytologie urinaire estime également la bactériurie mais sans différencier les bactéries mortes des bactéries vivantes. Un dénombrement sur gélose reste nécessaire.
Elle manque de sensibilité et pour les urines présentant une faible bactériurie (≤ 104 UFC/mL), il est nécessaire d’observer le culot de centrifugation. Cette coloration que ce soit sur l’urine non centrifugée ou sur le culot de centrifugation, est peu pratiquée. Elle présente pourtant certains avantages :
En absence de germes alors que la leucocyturie est supérieure à 104/mL et dans des contextes bien particuliers, il faut rechercher des mycobactéries. Pour cela, un frottis préparé à partir du culot de centrifugation des urines est coloré par une méthode révélant l’acido-alcoolo résistance de ces bactéries : coloration de Ziehl Neelsen, coloration à l’auramine). En présence de BAAR, il faut procéder à une décontamination des urines et ensemencer des milieux spécifiques : MGIT, Loewenstein Jensen et Colestos. Pour plus de détails se référer à la page dédiée aux diagnostic des infections à mycobactéries.
Le dénombrement des germes urinaires (= DGU) est un critère fiable pour le diagnostic de l’infection si toutes les précautions ont été prises lors du recueil des urines, leur transport et leur conservation (Cf. paragraphe 7.1). En effet, les faibles contaminations liées aux bactéries présentes au niveau du méat urétral se traduisent par des bactériuries bien inférieures à celles des infections urinaires.
Le DGU peut être réalisé par différentes méthodes, dans tous les cas il est effectué à partir de l’urine entière bien homogénéisée.
On réalise plusieurs dilutions de l’urine dans l’eau physiologique dans la gamme 10-2 à 10-7.
On incorpore 1 mL de chaque dilution, en boîte de Petri, à 20 mL de gélose nutritive fondue et refroidie à 45 – 50 °C. Mélanger soigneusement, laisser solidifier.
Après 24 h d’incubation à 37 °C, on compte les « unités formant colonies » (UFC) dans la boîte qui en contient entre 30 et 300. Le nombre ainsi déterminé, multiplié par la dilution, fournit le nombre d’UFC/mL d’urine.
Cette méthode longue et délicate ne peut être appliquée aux séries, donc à la routine. Elle sert encore de méthode de référence pour étalonner les méthodes plus adaptées à la routine et présentées ci-dessous.
Cette méthode est détaillée à la page Méthodes de dénombrement
Cette méthode est intéressante car utilisable par le personnel soignant directement au chevet du malade.
Elle présente cependant comme inconvénient de ne pas permettre d’obtenir des colonies isolées avec les urines fortement infectées. Pour cette raison, on ensemence systématiquement un milieu d’isolement en parallèle.
Cette méthode est détaillée à la page Méthodes de dénombrement
C’est la méthode la plus prisée actuellement. Des erreurs de quantification sont possibles qui proviennent d’un ensemencement incorrect de l’urine (volume mal calibré, mauvaise technique d’isolement) voire de conditions d’incubation et de durée non adaptées.
Les milieux utilisés sont des milieux non sélectifs.
Il existe des systèmes d’ensemencements automatisés de gélose en boite de Petri (annexe 5 : PREVI™ Isola (bioMérieux)
La plupart des infections urinaires sont monomicrobiennes et dues à des entérobactéries donc à des bactéries non exigeantes. Un milieu de base NON SÉLECTIF suffit le plus souvent.
Si ces milieux sont ensemencés selon la technique de l’anse calibrée alors les opérations isolement et dénombrement des germes urinaires seront simultanées.
Malgré un prix élevé, on les préfère aux milieux classiques (BCP, CLED). Ils permettent :
Voir les pages Gélose UriSelect4® et Gélose ChromID™CPS®
Tableau 8 : Enzymes recherchées sur les milieux chromogènes
a Proteus Providencia Morganella
b Klebsiella, Enterobacter, Serratia, Citrobacter
c le test indole sera positif pour Escherichia coli et les Proteus indologènes et négatif s’il s’agit de Proteus mirabilis
Parfois des bactéries (surtout en milieu hospitalier) n’ont pas les caractères enzymatiques attendus ou en ont acquis d’autres. Exemples :
Ces quelques exemples montrent l’importance de rester vigilant et de confronter les résultats de l’antibiogramme avec l’identification. En outre, ces milieux ne prétendent pas isoler tous les germes urinaires ; il conviendra donc d’ensemencer un ou plusieurs milieu(x) supplémentaire(s) choisi(s) en fonction des résultats de l’examen microscopique et du contexte (exemple : gélose au sang pour la recherche de Streptococcus B ou de corynébactéries).
On ajoutera une gélose Sabouraud ou un milieu chromogène adapté en cas de présence de levures à l’examen direct. Incubation à 37°C.
On place les boîtes à 37°C pendant 18 à 24 heures.
Pour ne pas sous estimer la bactériurie, on prolonge l’incubation de 48 heures si on suspecte un germe à croissance lente ou en cas de discordance entre le Gram et la culture.
L’interprétation de l’ECBU est difficile et tient principalement compte de 5 critères :
Voir les tableaux A, B et C qui montrent l’interprétation de l’ECBU en fonction de ces différents critères.
Elle renseigne sur le présence ou l’absence d’une inflammation du tractus urinaire
Dans une urine de milieu de jet recueillie en évitant toute contamination est le reflet de la concentration bactérienne dans l’urine vésicale. C’est donc le paramètre principal pour le diagnostic de l’infection.
Selon les recommandations de « l’european guidelines for urine analysis » les microorganismes sont classés en 4 groupes selon leur pouvoir uropathogène. Chez un sujet présentant les symptômes d’une cystite et une leucocyturie ≥ 105 leucocyte/mL, les seuils de bactériurie permettant de conclure à une infection urinaire dépendent du groupe d’uropathogénicité. Ils sont de 103 UFC/mL pour le groupe 1, de 104 UFC/mL pour le groupe 2 et de 105 UFC/mL pour les groupes 3 et 4.
Escherichia coli, Staphylococcus saprophyticus. Ces bactéries sont reconnues responsables d’infections urinaires même en faible quantité (à partir de 103 UFC/mL). Les Salmonella spp et les mycobactéries font également partie de ce groupe mais on les rencontre rarement.
Les autres entérobactéries (Klebsiella spp, Proteus spp, Enterobacter spp, Citrobacter spp, Morganella morganii, Providencia stuartii…), Enterococcus spp, Pseudomonas aeruginosa, Staphylococcus aureus, Corynebacterium urealyticum, et Haemophilus spp (rare) et Streptococcus pneumoniae (rare). Ces bactéries sont moins fréquemment responsables d’infections urinaires et quand elles le sont, il s’agit le plus souvent d’infections nosocomiales ou bien il existe des facteurs anatomiques ou iatrogènes favorisants. Le seuil de pathogénicité est fixé à 104 UFC/mL pour la femme et 103 UFC/mL pour l’homme.
Streptococcus agalactiae, Aerococcus urinae, les staphylocoques à coagulase négative (autres que S. saprophyticus)
Acinetobacter baumanii, Stenotrophomonas maltophilia, Burkholderia cepacia, autres Pseudomonadaceae et Candida spp. Pour ces germes, plusieurs critères doivent être réunis pour les impliquer dans une infection urinaire. Ces critères sont :
Isoler des staphylocoques à coagulase négative (autres que S. saprophyticus) dans une urine est souvent le fait d’une contamination ou d’une simple colonisation plutôt que d’une réelle infection. Candida spp peut être responsable d’infection urinaire mais surtout chez des patients porteurs de matériel étranger ou ayant subi une endoscopie ou un acte chirurgical et traités par des antibiotiques
Streptocoques alpha hémolytiques, Lactobacillus spp, Gardnerella vaginalis et bacilles corynéformes (autres que C. urealyticum et C. seminale). Ce sont des bactéries de la flore urétrale ou génitale de proximité à considérer en général comme des contaminants.
On les prend en compte seulement s’il s’agit d’une ponction sus-pubienne.
Les infections urinaires sont le plus souvent monomicrobiennes.
Les infections communautaires bimicrobiennes sont rarissimes.
15% des infections urinaires nosocomiales sont bimicrobiennes, le plus souvent à la suite d’un geste invasif ou de sondage.
Retrouver plus de 2 germes dans une urine est le signe d’une contamination du prélèvement : il faut refaire un ECBU sur un autre prélèvement.
Dans le cas des urines bimicrobiennes, deux éventualités sont à envisager :
Souvent un deuxième ECBU permettra de trancher. Un pronostic peut cependant s’appuyer sur les proportions de chaque germe :
Dans tous les cas, la présence de deux types de colonies doit être signalée et décrite dans le compte rendu.
Il faut particulièrement tenir compte :
La présence de symptômes permet de distinguer une infection urinaire d’une colonisation. On parle de colonisation lorsque l’urine présente des critères d’infection urinaire pour un patient sans symptôme.