PLAN
Le diagnostic des bactériémies repose sur une mise en culture des bactéries éventuellement présente dans le sang, appelée hémoculture.
En règle générale, une hémoculture correspond à une paire de flacons : un flacon aérobie et un flacon anaérobie.
La prescription des hémocultures se justifient dans les cas suivants :
De surcroît, la recherche du foyer infectieux primaire et de la porte d’entrée est primordiale pour arrêter l’infection. En conséquence, il faut analyser des prélèvements de plusieurs sites (urine, sécrétions bronchopulmonaires, ..) et enlever et analyser les matériels étrangers.
Pour y arriver deux possibilités :
Figure 3 : Procédure de prélèvement direct des flacons d’hémocultures
© bioMérieux
Les hémocultures inoculées sont acheminées au laboratoire sans tarder.
Lorsque le laboratoire utilise un automate d’hémoculture, pour éviter que la croissance bactérienne débute avant le dépôt des flacons dans l’automate, il est recommandé de ne pas placer les flacons ensemencés à 37°C.
Ils sont munis d’une capsule en plastique rigide qui recouvre un opercule en caoutchouc. Cet opercule peut être perforé sans en altérer l’étanchéité, après retrait de l’aiguille (Fig. 4)
La pression dans les flacons est réduite, ce qui facilite le recueil du sang.
Pour permettre la croissance de toutes les bactéries courantes aérobies, anaérobies facultatives, anaérobies strictes et des levures, il est nécessaire d’ensemencer un jeu de 2 flacons présentant un milieu et une atmosphère différente et appelés « flacon aérobie » et « flacon anaérobie »
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Fig. 4 © Pascal Fraperie |
Quel que soit le flacon, le milieu de culture est un milieu supplémenté en facteurs de croissance, anticoagulants et parfois d’inhibiteurs d’antibiotiques.
Dans le flacon anaérobie, le milieu doit être suffisamment réducteur pour « piéger l’oxygène » et l’atmosphère est anaérobie.
Le flacon aérobie contient un bouillon type Trypticase soja.
Le flacon anaérobie contient un bouillon Wilkins Chalgren. Le chlorhydrate de cystéine présent dans ce bouillon permet de réduire l’oxygène selon la réaction suivante :
Le flacon aérobie présente une atmosphère aérobie enrichie en CO2 pour favoriser la croissance de nombreux germes tels : Haemophilus, Streptococcus, Neisseria, Campylobacter et Brucella.
Le flacon anaérobie contient une atmosphère anaérobie composée de CO2 et de N2.
Remarque :
Étant donné que les bactériémies à anaérobies strictes sont devenues peu fréquentes, on pourrait limiter l’emploi d’un flacon anaérobie uniquement lorsqu’on soupçonne la présence de ce type de bactérie. C’est le cas quand on suspecte une bactériémie à point de départ gynécologique ou digestif. Cependant, de nombreux laboratoires l’ensemencent encore systématiquement car cela permet de doubler la quantité de sang mise en culture et favorise la croissance des streptocoques
Ces milieux sont enrichis en facteurs de croissance pour permettre la culture de presque tous les germes. Par exemple, ils contiennent :
Notons que pour la recherche des mycobactéries et des champignons filamenteux, réservée à des contextes bien précis, il faut utiliser des milieux spéciaux.
On les ajoute au milieu de base pour éviter la formation d’amas de fibrine qui gêneraient l’observation des bouillons mais surtout qui, en emprisonnant les bactéries dans leur réseau, constitueraient une entrave à leur isolement. En règle générale, l’anticoagulant utilisé est le SPS (polyanéthol sulfonate de sodium) : excellent anticoagulant, il a aussi de nombreuses activités inhibitrices vis-à-vis de la phagocytose cellulaire, du complément, du lysosyme et même de certains antibiotiques comme les aminosides.
Certains flacons contiennent des résines ou du charbon actif capables d’après les fabricants de neutraliser l’action des antibiotiques.
Cependant leur efficacité n’est pas prouvée, il est surtout conseillé de pratiquer le prélèvement à distance de l’administration d’antibiotiques.
Deux systèmes à détection visuelle sont actuellement disponibles en France :
Le flacon diphasique possède une phase liquide et une phase solide gélifiée ce qui présente plusieurs avantages :
Hémoculture Signal® utilise un seul milieu liquide pour la culture des germes aérobies et anaérobies. Après ensemencement du flacon avec le sang du patient, on fixe un indicateur munie d’une longue aiguille sur ce flacon. Après incubation et dans le cas d’une hémoculture positive, les gaz (CO2, acides gras volatils) produits par les bactéries créent une augmentation de pression dans le flacon. Cette augmentation de pression entraine un déplacement, à travers l’aiguille, du contenu du flacon en direction de l’indicateur. Ainsi, la présence de bouillon dans l’indicateur signifie que l’hémoculture est positive. On poursuit l’analyse à partir du contenu de l’indicateur.
hémoculture négative | hémoculture positive | ||
Fig. 7 : Hemoline™ Performance Diphasique © bioMérieux | Fig. 8 : Hémoculture Signal OXOÏD | ||
Incubation | Homogénéiser le sang et le bouillon par retournements des 2 flacons. Puis incliner 5 à 10 min le flacon aérobie diphasique afin de recouvrir et ainsi ensemencer la partie. Incuber à 37°C en position verticale | Agitation mécanique ou manuellement du flacon incuber à 37°C en position verticale. | |
Détection de la croissance | Examen visuel des flacons 1 à 2 fois par jour pendant 7 jours | ||
Chaque jour, on inspecte les flacons pour rechercher les signes témoignant d’une croissance visible. Ces signes sont :
Un flacon négatif montrera un culot globulaire rouge vif et le bouillon reste limpide. | Un résultat positif s’observe lorsque le mélange sang/bouillon dépasse le manchon de l’indicateur de croissance |
Le diagnostic des bactériémies est urgent, le pronostic vital pouvant être engagé chez le patient.
L’automatisation a amélioré les performances de l’hémoculture :
Actuellement l’offre en France est constituée de deux appareils aux performances très proches : BacT/ALERT® chez bioMerieux et Bactec® chez Becton-Dickinson.
Le principe général de détection de la croissance microbienne repose en une mesure indirecte du dioxyde de carbone (CO2) dégagé par les bactéries soit par réflectométrie (BacT/ALERT) soit par fluorimétrie (Bactec). Une alarme visuelle et/ou sonore avertit de tout résultat positif.
BACT/ALERT ® bioMerieux | BACTEC® 9000 Becton-Dickinson | |
PRINCIPE DE DÉTECTION | Mesure du C02 par réflectométrie | Mesure du C02 par fluorimétrie |
Si des microorganismes sont présents dans l’échantillon testé, ils se multiplient en métabolisant les substrats du bouillon de culture et produisent du CO2 | ||
Le CO2 entraîne une diminution de pH détectée par un « sensor » fixé au fond de chaque flacon. Ce « sensor » qui contient un indicateur de pH change alors de couleur : il passe du bleu-vert au jaune. Un flacon sera détecté positif si la production de CO2 augmente de façon exponentielle. Fig.9 : Détection du CO2 par réflectométrie BACT/ALERT ®
| Le système Bactec utilise aussi un sensor couplé à une membrane semi-perméable. Le CO2 généré par la croissance microbienne entraine la réduction d’un sel de ruthénium inclus dans le sensor qui émet alors une fluorescence mesurée par une photodiode toutes les 10 min. Fig.11 : détection du CO2 par fluorimétrie BACTEC®
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FRÉQUENCE DES LECTURES | Toutes les 10 minutes | Toutes les 10 minutes |
TYPES DE FLACONS | Plusieurs flacons sont disponibles : flacons aérobie, anaérobie, pour les levures et champignons, et flacons pédiatriques (nécessitant un faible volume de sang). | |
Flacons avec charbon pouvant gêner la lecture des examens microscopiques | Flacons avec résine antibiotiques qui ne gêne pas pour la lecture des examens microscopiques |
Rappel
On réalise les prélèvements pour hémoculture dans des conditions d’asepsie très rigoureuses, par ponction veineuse :
Pour le diagnostic d’endocardite, voir le cas particulier des endocardites.
On achemine rapidement au laboratoire les flacons inoculés.
Rappelons que lorsque que laboratoire utilise un système automatisé fermé, il est recommandé de laisser les flacons à température ambiante avant de les incuber à 37°C dans l’automate.
La détection automatique de la croissance microbienne a considérablement raccourci le délai de détection : 5 jours contre 7 jours à 37°C pour les systèmes à détection visuelle.
Des aérosols peuvent se former au moment du recueil de la culture. C’est pourquoi, il faut impérativement manipulés les flacons sous PSM.
Le manipulateur porte des gants. En effet, certains germes dangereux comme les Brucella peuvent franchir une peau apparemment saine.
On ouvre jamais les flacons d’hémoculture. Après désinfection de l’opercule des flacons, on prélève le bouillon à l’aide d’une aiguille stérile transperçant l’opercule.
Attendre le dégazage avant de prélever.
| Fig. 13 |
On réalise systématiquement un EF et Gram et on informe immédiatement le médecin lorsque les résultats sont positifs.
En premier lieu, les examens microscopiques permettent de déterminer si l’hémoculture semble monomicrobienne ou plurimicrobienne.
Ensuite ils permettent d’orienter le diagnostic. En règle générale, dans une hémoculture, les bactéries présentent une morphologie et une mobilité caractéristique.
Cependant l’aspect de certains germes est quelquefois trompeur. Ainsi un pneumocoque peut se déformer et se décolorer, le méningocoque ou Acinetobacter mal décolorés peuvent être confondus avec des coques à Gram positif.
Il est donc important de rester vigilant et de confronter ces résultats avec le contexte clinique du patient.
Les bactériémies étant en règle générale monomicrobiennes, on ensemence systématiquement des milieux d’isolement non sélectifs avec les hémocultures positives. En outre, ces milieux doivent être suffisamment riches pour convenir à toutes les bactéries présentes dans le flacon d’hémoculture.
Les conditions d’incubation des subcultures dépendent bien sûr de la nature du flacon détecté positif.
Enfin l’utilisation, en complément, de milieux sélectifs se justifie si l’hémoculture semble polymicrobienne.
Les bactériémies sont des infections graves dont l’évolution peut être rapidement fatale. C’est pourquoi on traite les flacons d’hémocultures positifs en urgence. Lorsque l’examen microscopique indique que l’hémoculture est monomicrobienne, il est possible de mettre en œuvre, directement à partir du bouillon d’hémoculture, des tests pour identifier la souche et déterminer sa sensibilité aux antibiotiques.
Parmi les tests d’identification, citons pour exemple :
Si le laboratoire dispose d’un spectromètre de masse MALDI-TOF, il est possible, d’ensemencer une gélose et de réaliser l’identification avec la légère culture obtenue après 6 heures d’incubation. |
Les géloses pour l’antibiogramme peuvent être ensemencées après avoir dilué le bouillon d’hémoculture. (Tableau 4)
Il est nécessaire d’orienter le plus précisément possible l’identification afin de déterminer la dilution à effectuer et choisir les antibiotiques à tester.
Le choix des antibiotiques et la réalisation de l’antibiogramme peut aussi se faire après l’identification par un spectromètre de masse MALDI-TOF à partir de la fine culture obtenue après 6 heures d’incubation.
Tableau 4 : Exemples de protocoles d’antibiogramme à partir d’hémocultures positives
IMPORTANT : Les résultats obtenus lors de ces tests seront validés seulement si les isolements observés le lendemain sont monomicrobiens. Ils pourront être complétés ou confirmés dans un second temps, par la mise en œuvre des techniques classiques, à partir des colonies obtenues sur le milieu d’isolement. |
La difficulté de l’interprétation réside souvent dans la distinction entre les vraies bactériémies et les souillures au moment du prélèvement.
Dans la plupart des laboratoires 8 à 15% des hémocultures sont positives, mais environ 30 à 50% d’entre elles sont des faux positifs dus à des contaminations au moment du prélèvement. Pour tenter de différencier une souillure d’une vraie infection, on se base principalement sur quatre éléments : l’espèce du germe isolé (critère très important), le nombre de flacons positifs au même germe et la présence de signes cliniques.
L’isolement d’un germe ayant un pouvoir pathogène spécifique ne laisse planer aucun doute sur son implication dans une véritable bactériémie. Par contre l’isolement d’un germe présent naturellement sur la peau ou dans l’environnement est en faveur d’une souillure. L’interprétation est beaucoup plus délicate pour des germes qui peuvent aussi bien être responsables de vraies bactériémies que de simples contaminants.
Tableau 5 : Signification pathologique des germes isolés dans les hémocultures
1 Les SCN sont fréquemment responsables de bactériémies (souvent en 3ème ou 4ème position derrière S. aureus et E. coli). Parmi les SCN, S. epidermidis est souvent isolé sur du matériel étranger (cathéters, prothèses..) ou chez des patients immuno-déprimés. Cependant les SCN sont aussi des contaminants très fréquents des flacons d’hémocultures (85% des cas de contaminations) car ils font partie de la flore commensale de la peau.
Si un même germe est isolé de plusieurs flacons, on peut conclure à une véritable bactériémie.
Si sur plusieurs prélèvements, un seul flacon est positif, il faut tenir compte de l’espèce isolée. (Tableau 5)
Il est primordial de confronter les résultats microbiologiques obtenus au laboratoire avec le contexte clinique.
L’isolement d’un même germe au niveau d’une hémoculture et d’un foyer infectieux (urine, prélèvement broncho-pulmonaire, pus abdominal, LCR …) ou d’une porte d’entrée (cathéter veineux central) est un argument en faveur d’une bactériémie.
Les bactériémies polymicrobiennes sont peu fréquentes et sont surtout rencontrées dans un contexte clinique particulier :
Le pronostic vital est alors souvent engagé et il est difficile de trouver une antibiothérapie adaptée aux différents germes impliqués.
La présence de plusieurs germes sur les milieux de culture doit cependant être interprétée avec prudence car la plupart des bactériémies sont monomicrobiennes et le plus souvent un des germes retrouvés est une souillure apportée au moment du prélèvement. Ainsi, l’interprétation des résultats tient compte à la fois de l’identification des germes isolés, du nombre de flacons positifs sur le nombre total d’hémocultures réalisées et du contexte clinique.
En pratique, la signification clinique d’un microorganisme isolé par hémoculture est d’autant plus probable qu’il sera retrouvé dans des prélèvements successifs. La réalisation d’une seule hémoculture, est souvent insuffisante car elle sera d’interprétation difficile étant donné que la majorité des microorganismes isolés sont des opportunistes et non des bactéries pathogènes spécifiques. |
En règle générale, quand une hémoculture est négative, cela signifie qu’il n’y apas de bactériémie.
Pourtant parfois il peut s’agir d’une fausse négativité due à un échec de culture dont les causes sont multiples :
NB : seules les bactéries et certains champignons cultivent dans les hémocultures ; un virus ne peut pas être isolé avec cette technique.
Voir la page Diagnostic direct des infections à mycobactéries
Les fongémies sont peu fréquentes mais en augmentation surtout dans un contexte nosocomial.
Les levures du genre Candida sont majoritaires. Notons que Candida albicans est le plus fréquemment isolé mais la tendance est à la diversification des espèces. Ensuite, en 2ème position on trouve C. parapsilosis ou C. glabrata selon les services hospitaliers.
Les facteurs favorisants sont l’immunodépression, une antibiothérapie à large spectre, l’implantation de cathéters veineux centraux.
Les candidémies sont associées à une forte mortalité (environ 35%), car elles surviennent généralement chez des patients fragilisés (soins intensifs, oncologie).
Les flacons d’hémocultures classiques détectent seulement 50% des fongémies. Il est donc nécessaire d’utiliser le milieu spécifique pour les mycètes que proposent les fabricants d’automates.
Tableau 7 : Conditions d’incubation et délai de croissance des mycètes