L’arbre urinaire est normalement stérile, à l’exception des derniers centimètres de l’urètre distal qui sont colonisés par une flore diverse d’origine digestive (entérobactéries, entérocoques, anaérobies), cutanée (staphylocoques à coagulase négative, corynébactéries) et génitale (lactobacilles chez la femme).
Généralement l’agent infectieux s’introduit par le méat urétral et progresse jusqu’à la vessie. Le sujet normal dispose de mécanismes de protection lui permettant d’éliminer l’agent infectieux. L’infection urinaire s’explique souvent par une défaillance de ces mécanismes ou par l’introduction d’un agent infectieux capable d’y résister.
Mécanismes de protection de l’appareil urinaire
Différents moyens assurent la protection de l’appareil urinaire vis à vis des infections :
- la vidange urinaire : elle doit être fréquente et complète. Les bactéries qui ont commencé à coloniser la vessie et l’urètre sont éliminées à chaque miction, d’où l’importance de boire souvent, de ne pas se retenir d’uriner et de sonder les patients qui n’urinent pas.
- la présence d’inhibiteurs de l’adhésion bactérienne : la protéine de Tamm-Horsfall est une glycoprotéine sécrétée par le rein et présente dans les urines. En se liant aux fimbriae de certaines souches d’Escherichia coli uropathogènes, elle les empêche d’adhérer à la surface de l’épithélium.
- l’exfoliation des cellules urothéliales infectées.
- les sécrétions prostatiques qui sont antibactériennes
- les conditions physico-chimiques de l’urine : pH bas (4,5 à 6), concentration en urée élevée et hypertonicité freinent la croissance bactérienne.
Facteurs prédisposants aux infections urinaires
Chez les deux sexes
- Les facteurs mécaniques : si les conditions physico-chimiques deviennent favorables, les bactéries peuvent se multiplier rapidement dans la vessie. Pour éviter cette multiplication, la diurèse doit être abondante, les mictions fréquentes et il ne doit pas y avoir de résidus post-mictionnel.
Tout phénomène de stase va favoriser le développement des germes. Ces stases d’origine mécanique peuvent être occasionnées par la grossesse, par la pose de sonde urinaire, par des anomalies congénitales de la vessie (résidus post-mictionnels) ou enfin par des obstacles présents sur les voies excrétrices (lithiase, hypertrophie de la prostate, tumeur).
Certaines malformations provoquent un reflux vésico-urétéral favorisant ainsi la progression des germes en direction des reins.
- Les facteurs histologiques : Toute lésion des muqueuses du tractus urinaire favorise la fixation du germe et son implantation.
- La présence d’une glycosurie : La présence de glucose favorise la multiplication bactérienne. C’est un des facteurs favorisant l’apparition des infections urinaires chez les diabétiques et les femmes enceintes.
- Une prédisposition génétique : La nature et le nombre des récepteurs d’adhésines bactériennes présents à la surface de la muqueuse varie d’un individu à un autre. C’est pourquoi certains individus sont plus sensibles aux infections urinaires.
Chez la femme
- La proximité du méat urétral de l’anus et du vagin favorise sa colonisation ;
- L’urètre court : les bactéries atteignent plus facilement la vessie ;
- Le pH vaginal chez la femme ménopausée ou la femme enceinte est moins acide, ce qui favorise la colonisation du vagin par des bactéries de la flore intestinale (Escherichia coli et autres entérobactéries). Ces germes peuvent ensuite progresser vers le méat urétral.
- Les rapports sexuels favorisent la colonisation de l’urètre par les germes commensaux du vagin.
- La grossesse provoque des phénomènes de stase.
Chez l’homme
- Avec l’âge, l’hypertrophie prostatique (physiologique ou cancéreuse) ainsi que la diminution des sécrétions acides prostatiques (naturellement bactéricides), augmentent le risque d’infection.
Facteurs de pathogénicité bactérien
L’adhérence bactérienne : étape clé dans le processus infectieux
Certaines bactéries uropathogènes (Escherichia coli, staphylocoques, corynébactéries, mycoplasmes) possèdent la propriété d’adhérer aux cellules du tractus urinaire. Ainsi fixées, les bactéries sont difficilement emportées par le flux urinaire.
Par exemple, les E. coli uropathogènes (UPEC), bactéries les plus fréquemment responsables d’infection urinaire, ont acquis des gènes codant pour des fimbriae particuliers. Ces fimbriae leur permettant de se fixer spécifiquement à des récepteurs des cellules urothéliales.
Les UPEC peuvent exprimer plusieurs types de fimbriae dont les fimbriae de type 1 et les fimbriae de type P :
- Les fimbriae de type 1 sont codés par le chromosome et permettent l’adhésion d’Escherichia coli à des récepteurs contenant du mannose qui se trouvent dans pratiquement tous les tissus humains. Ils jouent un rôle plus important dans les cystites que dans les pyélonéphrites.
- les fimbriae de type P ou PAP (Pyelonephritis Associated Pili) sont aussi d’origine chromosomique et ils sont souvent associés à la colonisation et à l’invasion de la partie supérieure du tractus urinaire. Ils permettent l’adhésion sur des récepteurs spécifiques portant un doublet galactose que l’on trouve sur les cellules du rein et favorisent la migration des bactéries le long des uretères. Les UPEC qui expriment ces pili PAP entraînent plus volontiers des pyélonéphrites chez les patients sans anomalies anatomiques que les Escherichia coli qui en sont dépourvus.
Autre exemple : l’acide lipotéichoïque présent dans la paroi de Staphylococcus saprophyticus joue également un rôle dans l’adhérence aux cellules urothéliales.
Autres facteurs de virulence
- Systèmes de captations du fer : Escherichia coli possède plusieurs sidérophores pour acquérir le fer indispensable à sa croissance (l’aérobactine, IroN…). L’interaction entre les pili PAP des UPEC et les cellules épithéliales du tractus urinaire induit la transcription des gènes impliqués dans l’acquisition du fer.
- Les hémolysines : ces toxines produites par certaines souches d’E. coli, de Proteus vulgaris et de Morganella morganii lysent les cellules rénales. Elles formant des pores dans leurs membranes.
- La capsule, présente chez les Klebsiella et certaines souches d’E. coli, protège les bactéries de la phagocytose.
- Le flagelle des souches d’UPEC et de Proteus, sans être indispensable, participe à la colonisation de l’appareil urinaire.
- Certains facteurs de virulence comme le lipopolysaccharide (LPS) et les hémolysines engendrent une forte réaction inflammatoire qui contribue à la destruction des tissus. Les bactéries peuvent alors pénétrer dans les capillaires sanguins et être à l’origine d’une bactériémie.
- Production d’uréase : Les Proteus, la plupart des Providencia, Klebsiella pneumoniae, les staphylocoques, Ureaplasma urealyticum et Corynebacterium urealyticum possèdent une uréase. L’uréase métabolise l’urée en ions ammonium et ions hydroxyles.
Réaction catalysée par l’uréase
= ALCALINISATION
L’alcalinisation favorise la précipitation d’ions normalement solubles tels Mg2+ et Ca2+ en cristaux de phosphate ammoniaco-magnésien (= cristaux de struvite) et de phosphate de calcium (= cristaux de carbapatite). Les cristaux s’agrègent en calculs qui sont alors responsables d’une stase rénale. La découverte d’une lithiase à struvite est presque toujours à relier à une infection urinaire due à un germe uréolytique.
Voies de pénétration des bactéries
Infections d’origine exogène (dites aussi « ascendantes »)
Ce sont de très loin les plus fréquentes, elles représenteraient 97% des IU.
Les différentes étapes de la progression des bactéries sont schématisées (Fig.5 – voie A)
- Des bactéries provenant de la flore intestinale, vaginale, cutanée ou de l’environnement colonisent l’extrémité distale de l’urètre.
- La progression ascendante de la plupart d’entre elles est contrariée par le courant urinaire qui les ramène à chaque miction vers le point de départ. Toutes circonstances limitant l’efficacité de cet « effet de chasse » favorisent l’apparition d’infections urinaires ascendantes. C’est le cas si les mictions ne sont pas assez fréquentes (sujet ne buvant pas suffisamment ou se retenant d’uriner).
Dans des conditions normales, certaines bactéries en adhérant fortement aux cellules urothéliales résistent à ce courant urinaire. Elles atteignent la vessie, pénètrent dans les cellules urothéliales et s’y multiplient. La destruction des cellules urothéliales liée à cette invasion ou à la sécrétion de toxine va induire une réponse inflammatoire et donc la migration de granulocytes neutrophiles.
Les infections urinaires récidivantes pourraient s’expliquer par la persistance de bactéries à l’intérieur des cellules urothéliales. - Les bactéries peuvent poursuivre leur progression ascendante dans les uretères et se diriger vers les reins.
- Après avoir adhéré aux cellules tubulaires rénales, les bactéries peuvent les envahir, les détruire puis gagner la circulation sanguine et être ainsi responsables de bactériémies.
Fig.5 : Voies de pénétration des bactéries
D’après illustration CC by Jordi March i Nogué via Wikimedia Commons
Infections d’origine endogène (dites aussi « descendantes »)
Dans de rares cas, les bactéries proviennent d’un foyer infectieux distant (par exemple pulmonaire, cutanée ou dentaire), arrivent par le sang et pénètrent dans les reins (Fig.5 – voie D).
Ces bactéries se développent et forment des foyers infectieux urinaires, en particulier dans les cas suivants :
- présence de lésions au niveau du parenchyme rénal ou de la paroi vésicale ;
- difficulté d’évacuation des urines.
Infection d’origine génitale
Chez l’homme, une infection génitale (prostatite, orchite) peut être à l’origine d’une infection urinaire. Le sperme contamine alors la partie haute de l’urètre et, de là, l’épithélium vésical.